waiampi wayapi et teko amérindiens menacés de la Guyane française
 
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La santé menacée des amérindiens Wayapi et teko
Boom démographique et planning famlial

1817

1842

1947

1962

1984

1999

Taux d'accroissement annuel
1962 à 1999

Teko
côté Tampok

 

 

 

 

 

 

10

 

120

6,94 %

Teko
côté Camopi
et Oyapock

 

 

 

 

 

 

45

 

250

4,74 %

Wayãpi

 

 

 

 

 

 

 

136

 

800

4,90 %

TOTAL
HAUT
OYAPOCK

Taux d'accroisse-
ment annuel
HAUT
OYAPOCK

5 à 6000

 

 

 

 

700

 

- 8,6 %
1817-42

100

 

- 1,87 %
1842-1947

181

 

+ 4%
1947-62

600

 

+ 5,6 % 1962-84

1050

 

+ 3,8 %
1984-99

 

Les chiffres de 1947 proviennent de Fribourg-Blanc, rapportés par Dillies Flautre. Les chiffres de 1962 proviennent de Cabannes, Larrouy et Ruffié. Les chiffres de 1947 et 1984 proviennent de la thèse de Brigitte Dillies Flautre,« Bilan sanitaire d'une communauté amérindienne du Haut Oyapock ». Ceux de 1999 m'ont été donnés par la gendarmerie de Camopi. Les taux d'accroissement annuels ont été calculés par moi-même.

Comment les interpréter ?
- toute la population s'était-elle présentée en 1947 ou 1962 ? Elle était plus nomade qu'aujourd'hui.
- si oui, alors les Amérindiens du Haut Oyapock sont en croissance démographique, à l'instar des Amérindiens du Brésil qui sont passés de 100 000 en 1960, à 350 000 aujourd'hui. C'est une réussite puisqu'il y a quarante ans, l'opinion générale et les courbes disaient qu'ils allaient bientôt physiquement disparaître, qu'il n'y en aurait plus un seul alors qu'ils étaient entre 2 et 6 millions au Brésil avant l'arrivée des Européens.
Quels facteurs invoquer pour expliquer ce boom, si boom il y a :
- Je n'ai pas observé ni même entendu

parler de la « rhume », il peut s'être créé une immunisation naturelle des Amérindiens contre cette « rhume », nom créole donné à des pneumopathies de type grippal qui entraînaient encore dans les années 1950 des épidémies parfois mortelles lors du passage d'un groupe créole ou européen chez des Indiens non contactés ou peu contactés. Ce phénomène n'a pas disparu au Brésil où restent encore de rares Indiens non contactés.
• Mais si cette croissance se poursuit,  sols et rivières risquent d'être trop pauvres; abattis, cueillette, chasse et pêche ne permettent d'entretenir que des groupes humains peu nombreux dont la densité ne dépasse pas un habitant par kilomètre carré. Or le planning familial

n'est soumis à aucun interdit religieux et rencontre un grand succès, succès que je ne pouvais m'empêcher de comparer mentalement à celui qu'il a connu dès son apparition après 1990 au Cambodge pays où il n'existe pas d'interdit de la part des autorités bouddhistes et où l'animisme est peut-être aussi présent que chez les Wayãpi.
« Pourquoi protéger, soigner, aider une population à l'expansion démographique si l'on n'associe pas parallèlement sa sauvegarde culturelle et son équilibre économique ? » Brigitte Dillies Flautre, Bilan sanitaire d'une communauté amérindienne du Haut Oyapock (Guyane),  Thèse de médecine 1985 Rouen.

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Les langues

• La langue maternelle est le wayãpi pour les Wayãpi, le teko pour les Teko. Entre ces deux langues, bien qu'elles appartiennent à la même famille tupi-guarani, l'intercompréhension est médiocre. Il existe quelques couples bilingues, toujours par mariages interethniques.
• Le créole guyanais chez les Amérindiens du Haut Oyapock, le créole de Saint-Georges (sans doute mâtiné de portugais) est parlé par un grand nombre d'hommes et quelques femmes. (Le créole guyanais est la langue vernaculaire sur le littoral, langue du petit commerce, et désormais de certaines émissions radio et télévisées. Dans les villes du littoral sont aussi parlés les créoles martiniquais, guadeloupéen, haïtien, surinamien.)
• Le français, langue de l'école, de l'administration, de la radio et de la télévision, n'est, en ce qui concerne les
 

Amérindiens du Haut Oyapock, maîtrisé que par une minorité : ceux qui sont partis étudier à Saint-Georges.
Au Centre de Santé

80 % des consultants sont des mères et de jeunes enfants, comme partout en zone tropicale. Ni les uns ni les autres ne parlent plus de dix mots de français.
Le médecin et l'infirmière ne parlent que le français. J'ai pu heureusement recruter une agent de santé amérindienne trilingue (wayãpi, teko, français).
« La Métropole », « La France », « les Français », « les Indiens »
• « Métropole », employé par les gendarmes, est le terme légal
• Cependant « France » est, pour désigner la métropole, le terme employé par tous les autres : Amérindiens ou instituteurs qui parlaient par exemple de ceux qui sont venus pour « toucher la prime qui permettra de se faire construire une maison en France »
• « Français » est le terme employé par tous les Amérindiens pour désigner les métropolitains
• « Amérindien» est le terme scientifique et officiel. Le terme « Amérindien », n'est pas utilisé par ceux-là même qu'il désigne,  mais supprime l'ambiguïté d'« Indien ». Autre façon de supprimer l'ambiguïté : ajouter un nom tribal ou géographique, par exemple : « les Indiens Lakota », « les Indiens du Pérou ».
•  « Indien »  est certes ambigu puisqu'il désigne aussi les habitants de l'Inde. Il est très méprisant dans la bouche d'un caboclo et hélas de bien des métropolitains de Camopi. J'ai cependant observé que ce mot est celui employé par les Indiens du Haut Oyapock eux-même, avec une connotation très positive : « Nous, les Indiens, nous aimons que... , nous n'aimons pas que... » ou : « Ca, c'est un joli nom indien. Un joli prénom indien. ».
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L'ivresse

Ivresse festive traditionnelle
« Toute la journée se passe à dancer. Une partie des femmes s'amuse cependant à chauffer leur breuvage, qui est leur principal office. » Montaigne, Essais, Livre I, 31, 1580
Les danses traditionnelles sont devenues rares, je n'en ai vu aucune, mais Montaigne serait sans doute amusé d'apprendre qu'elles reviennent modernisées grâce au revenu minimum d'insertion (RMI), bien nommé puisqu'il permet de descendre au bas de la rivière jusqu'à Saint-Georges de l'Oyapock et d'y acheter de très puissantes chaînes Hi-fi. Fort intéressé par les Amérindiens, Montaigne rencontra et interrogea à Rouen trois d'entre eux, peut-être serait-il rassuré de savoir que les femmes passent toujours une grande partie de la journée à préparer le breuvage qui, sur l'Oyapock a pour nom « cachiri » et titre entre 2 et 3,5 degré d'alcool. Préparé à partir de manioc amer, de manioc doux (très peu toxique, également nommé cramanioc), ou d'igname. De goût aigrelet, ou délicieusement doux pour  le cachiri de cramanioc. Le manioc est une plante d'origine américaine qui fût adoptée en Afrique après Christophe Colomb.
« Tous les hommes d'un village ou de plusieurs s'assemblent ordinairement pour boire (ce qu'ils ne font pas pour manger) » Jean de Léry  « Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil »
Cela se passe toujours ainsi, à l'importante différence près qu'aujourd'hui, pour ce que j'ai vu, les femmes aussi sont présentes pour boire, on voit même un banc pour elles, un deuxième banc pour les hommes jeunes, et un troisième pour les hommes mûrs, le tout formant un carré au milieu duquel circulent les enfants. Seules les femmes offrent la boisson.
Aztèques
Il existe chez les Amérindiens du Haut Oyapock une culture de l'ivresse, recherchée pour ses effets euphorisants et conviviaux, bien décrite et analysée comme ciment de la vie sociale (Grenand). Les Amérindiens, sur toute l'étendue du continent américain, sont très alcoolophiles et ceci ne date pas de l'arrivée des Européens : le « Manuscrit

Badianus », également connu sous le nom de “Libellus de Medicinalibus Indorum Herbis” et “L'histoire de la Nouvelle Espagne” du Frère Bernardino de Sahagún décrivent les problèmes posés par l'abus de boissons alcoolisées chez les Aztèques ainsi que les peines mises en place par les autorités aztèques dans l'espoir de contrôler la situation (Calderón Narvaez).
Du cachiri à « l'eau de feu », de l'ivresse à la dépendance
 « Atala me tendit la main avec un sourire : « Il faut bien, dit-elle, que je vous suive, puisque vous ne voulez pas fuir sans moi. Cette nuit, j'ai séduit le jongleur par des présents, j'ai enivré vos bourreaux avec de l'essence de feu, et j'ai dû hasarder ma vie pour vous puisque vous aviez donné la vôtre pour moi. » (... ) L'ivresse qui dure longtemps chez les sauvages (... ) les empêcha sans doute de nous poursuivre durant les premières journées »
Chateaubriand  « Atala ou les amours de deux sauvages dans le désert », chapitre « Les Chasseurs »
Le cachiri (mot pris au sens de boisson) titre environ 3 degrés, mais l'Oyapock vit une époque où, dans les cachiri (mot pris au sens de fête) peuvent circuler, passées les premières heures, des bouteilles d'alcools forts titrant 50°... Comment ne pas penser au destin des Indiens d'Amérique du Nord ?  Le contact avec les alcools des Blancs survint très tôt puisque c'est en 1791 que François René, qui parle déjà d'« essence de feu », s'est embarqué pour l'Amérique.
Je ne crois pas qu'il existe de dépendance au cachiri, mais cela mérite d'être vérifié. Je n'ai pas observé d'alcoolisme suicidaire ni d'ivresse pathologique : hallucinatoire, délirante, convulsivante, coma éthylique. Cependant j'ai vu des lendemains de cachiri où un village était étonnamment calme et ses habitants étonnamment « vaseux ». Par contre, j'ai vu un cas de dépendance à l'alcool, un homme qui boit tous les jours des alcools forts, ne peut s'arrêter, ne se nourrit pratiquement que d'eux. Agé d'une cinquantaine d'années, sans faciès éthylique, risée de toute la population pour être ivre à peu près en permanence. J'ai entendu parler

de deux ou trois autres cas, mais comme partout ailleurs, les alcoolo-dépendants ne viennent jamais consulter. Pour l'instant la situation est heureusement très « en retard » sur celle des réserves d'Amérique du Nord où les Cheyennes comptent 60 % d'alcooliques dépendants (Krier).
« D'autres reconnaissaient que probablement l'Indien mourrait ; mais on lisait sur leurs lèvres cette pensée à moitié exprimée : « Qu'est ce que la vie d'un Indien ? » C'était là le fond du sentiment général. Au milieu de cette société si policée, si prude, si pédante de moralité et de vertu, on rencontre une insensibilité complète, une sorte d'égoïsme, froid et implacable lorsqu'il s'agit des indigènes de l'Amérique. Les habitants des Etats-Unis ne chassent pas les Indiens à cor et à cri comme le faisaient les Espagnols du Mexique. Mais c'est le même sentiment impitoyable qui anime ici ainsi que partout ailleurs la race européenne. Combien de fois dans le cours de nos voyages n'avons nous pas rencontré d'honnêtes citadins qui nous disaient le soir tranquillement assis au coin de leur foyer : « Chaque jour le nombre des Indiens va décroissant. Ce n'est pas pourtant que nous leur fassions souvent la guerre, mais l'eau de vie que nous leur vendons à bas prix en enlève tous les ans plus que ne pourraient faire nos armes. Ce monde-ci nous appartient, ajoutaient-ils ; Dieu en refusant à ses premiers habitants la faculté de se civiliser, les a destinés par avance à une destruction inévitable. Les véritables propriétaires de ce continent sont ceux qui savent tirer partie de ses richesses. » Satisfait de son raisonnement, l'Américain s'en va au temple où il entend un ministre de l'Evangile lui répéter que les hommes sont frères et que l'Etre éternel qui les a tous faits sur le même modèle, leur a donné à tous le devoir de se secourir. »  Tocqueville « Quinze jours dans le désert américain »  1860
De l'alcoolisme à la malnutrition
Cela a été décrit en Guyane sur le fleuve Maroni où le problème touche les enfants amérindiens des villages proches du Bourg de Maripasoula, alors que les villages éloignés sont bien moins atteints.
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Le tabac
Lorsque j'étais à Trois Sauts il ne se passait guère de temps sans que l'on m'appelle par mon nom indien : « Takurou ! Viens fumer un tawali ! ». J'acceptais bien volontiers... alors, dans la case, quelqu'un sortait une feuille de tabac de forme hélicoïdale longue de huit centimètres, l'enroulait de l'écorce d'un arbre nommé « tawali », puis fixait le tout

en nouant un fil aux deux extrémités. Le goût était excellent, plus parfumé que celui de la cigarette ou du cigare.
A Camopi, les occasions de fumer le tawali étaient beaucoup plus rares qu'à Trois Sauts, cela m'est arrivé une fois au cours d'un cachiri grâce à un ancien. Incomparable à la métamorphose qu'il a connue dans cet orient des « Indiens »,

dont les habitants sont plaisamment nommés « Occidentaux », l'usage du tabac sur le Haut Oyapock semble essentiellement convivial. J'ignore, n'ayant jamais posé la question, s'il lui est encore prêté des vertus curatives ou magiques. Je n'ai pas observé de dépendance au tawali.

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Interdit sur l'Habillement Traditionnel

Lorsque les Amérindiens descendent en bas de la rivière jusqu'à Saint-Georges de l'Oyapock, ils doivent se plier à un arrêté municipal qui interdit l'habillement traditionnel. Alors tous se couvrent placidement de maillots de football, tee-shirts, fripes des plus variées... Les Amérindiens sont méprisés à Saint-Georges de l'Oyapock comme à Cayenne.
« Mais les colons s'indignaient de voir un Indien nu, si bien qu'aujourd'hui, nous nous tenons loin de la rive du fleuve »  Chiparopai, Indienne Yuma citée par Bedetti «  Les Secrets des Indiens

d'Amérique » Ed. de Vecchi, 1999. Au « Home Indien », institution religieuse catholique qui assure aux enfants amérindiens scolarisés à Saint-Georges de l'Oyapock, un toit, un couvert et d'efficaces – trop efficaces ? - répétitions de français, les enfants portent tous les mêmes couleurs : tee-shirt beige et blue-jean bleu.
J'ai observé que chaque femme teko porte un soutien-gorge et que toute femme wayapi a la poitrine découverte. Françoise Grenand l'explique par le fait que les Teko ont depuis plus longtemps été en contact avec les Européens.

Lorsqu'ils sont dans leurs villages, les enfants avant dix ans, les adultes et les femmes s'habillent traditionnellement. Enfants comme adultes portent la camisa pour les femmes, le kalimbé pour les hommes. Les femmes ont depuis longtemps l'habitude de commander des accessoires grâce au catalogue de vente par correspondance de La Redoute, via la poste, il en existe une à Camopi mais pas à Trois Sauts. Par contre adolescents et quelques jeunes adultes préfèrent les tenues du littoral, paradent avec le dernier tee-shirt à la mode, maillot de football voyant, chaussures de sport dernier cri.

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Peintures Corporelles
« La parure masculine la plus commune est cette auréole de duvet qui allie le jaune de la gorge et le rouge du croupion du toucan au noir du poitrail de l'agami (... ) les jours de fête il serait presque indécent de paraître sans être maquillé » J.M. Hurault, F. et P. Grenand, Indiens de Guyane, Wayana et Wayampi de la forêt
J'ai observé que :
- il n'y a quasiment plus de fêtes avec parures, chacun va au cachiri habillé comme tous les jours sauf parfois génipa et roucou ; les parures faites avec des plumes ont presque toutes été vendues à des métropolitains qui voulaient rapporter un souvenir (c'est la chasse aux oiseaux qui procure des plumes pour les
parures).
- le génipa est très employé par les enfants, plus encore pendant les vacances scolaires, à Camopi autant qu'à Trois Sauts, moins souvent par les adultes ; ce ne sont pas des peintures très élaborées ou très étendues sur tout le visage ou la moitié du corps comme dans des tribus brésiliennes contactées depuis peu ; il s'agit de motifs géométriques simples sur une partie du visage et la poitrine.
- le roucou est parfois employé à Camopi, très souvent à Trois Sauts ; il s'agit d'un mélange de couleur rouge dont on s'enduit la peau pour des raisons esthétiques et pratiques : il est censé
éloigner les insectes. (L'expression « Peau Rouge » ne vient pas du roucou mais d'une autre teinture de même couleur, probablement d'origine minérale, employée par les Indiens du Canada où cette expression est apparue.)
 « Nos Brésiliens se bigarrent souvent le corps de diverses peintures et couleurs : mais surtout ils se noircissent ordinairement si bien les cuisses et les jambes du jus d'un certain fruit qu'ils nomment Genipat (... ) ils ne la peuvent effacer de dix ou douze jours » Jean de Léry, Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil, chapitre VIII
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Famille
Les adolescentes de Camopi, mais pas de Trois Sauts, se maquillent avec des produits modernes, rouge à lèvres, fond
de teint, etc. sans lésiner sur les quantités et ce dès l'âge de douze ans, ce qui est logique lorsque l'on sait
qu'elles deviennent mères vers l'âge de quinze ans, aujourd'hui comme hier.
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Contacts des Amérindiens avec les chercheurs d'or brésiliens (garimpeiros)
Il m'était difficile avec mon pauvre portugais d'aller étudier le paludisme et les toxicomanies chez les garimpeiros si tant est qu'ils aient bien voulu m'embaucher comme « medico ». Heureusement j'avais quelques repères grâce à un document peu ordinaire écrit par un Français qui fut garimpeiro de 1984 à 1990 en Amazonie dans l'Etat du Rondonia (Etat d'Amazonie brésilienne, frontalier de la Bolivie). Voici ce qu'il raconte sur la cocaïne : « Il faut que je me rende à l'évidence : maconha, ou coca, mes ouvriers ne sont pas les derniers à absorber leur dose journalière (... ) tous les prétextes sont bons pour l'évasion (... ) le rêve concentré en poudre n'est pas
cher, même pour un opérateur. La drogue circule partout sur le fleuve. Chaque drague est capable de fournir une reposition (... ) on peut aussi s'en procurer sans difficulté dans les bars »
Francis Pauly « O Garimpeiro » 1991.  C'est clair : la toxicomanie à la cocaïne était banale chez les garimpeiros lors de la ruée vers l'or des années 1980 au Rondonia. Ceci jusqu'à  leur départ, chassés par l'armée brésilienne ou par l'épuisement des filons. On peut supposer que cette toxicomanie s'est conservée chez ceux qui écument actuellement Guyane française (sur l'Oyapock, la Sikini, le Maroni), Surinam et Venezuela, et dont bon nombre sont à

mon avis des anciens du Rondonia. Le Brésil est le deuxième consommateur mondial de cocaïne après les USA. Souvent liés à des affaires de drogue ou passionnelles, les meurtres ont été hebdomadaires voire quotidiens à Villa Brasil même ! Depuis début 1999 environ, l'armée brésilienne s'y est installée, ce qui a partiellement calmé le jeu à Villa Brasil, mais pas sur la rivière Sikini, on m'amena un jour un garimpeiro grièvement blessé à coups de machette par sa propre épouse, il avait trois plaies pénétrant jusqu'à la boîte crânienne et aussi larges que la tête... (cf. aussi ci-dessus « Présence du Neuropaludisme chez les non-Amérindiens »)

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Contacts des Amérindiens avec les Métropolitains
Ethnocentrisme (cf. Glossaire)
D'emblée j'insiste sur ce point : ni les instituteurs ni les gendarmes ne sauraient être montrés du doigt pour leur ethnocentrisme. Il s'agit d'une attitude universelle, hélas. Le recrutement n'est pas adapté et cela aggrave le problème. Assez désabusés, des instituteurs me prévinrent : « Tu verras, beaucoup de nos collègues se désintéressent complètement des Indiens, ce sont des « planqués », ils ne sont là que pour toucher la prime qui leur permettra de se faire construire une maison en France, pour d'autres la Guyane est un enfer nécessaire avant l'espoir d'une nomination en Polynésie ». Je devais me rendre compte que pour certains, c'était vrai. Résigné, j'entendais des jugements parfois naïvement positivistes : « Les Indiens sont des paresseux, des voleurs et des ivrognes », « Il faut les avoir à l'œil », « Les chamanes ne pensent qu'à l'argent »; parfois naïvement rousseauistes : « D'ailleurs il n'y a plus de chamanes »,  « Il aurait fallu venir il y a cinq ans, c'était bien avant,  ils n'étaient pas encore pourris ».  
A Camopi le pain est la cause de conflits : le mari d'une institutrice voulait monter une boulangerie. Le conseil municipal s'y est opposé et a eu gain de cause. Après mon départ les métropolitains qui tenaient impérativement à avoir du pain ont gagné : un avion leur en apporte deux fois par semaine.
A mon retour en métropole la lecture d'un roman, portrait d'enseignants partis travailler au loin (Tunisie), me fit retrouver bien des points communs : la grisaille quotidienne qui colle à la vie, dont on ne sait comment se débarrasser et que l'on a comme transportée avec soi, le vide, l'incompréhension mutuelle avec les autochtones, l'ethnocentrisme, le tiers colonial (c'est une prime), la permanente frustration, le sentiment de ne recevoir que des miettes, le terre à terre, la renonciation aux enthousiasmes et
idéaux de la jeunesse. Ce roman est « Les Choses » de Georges Perec. Je le remercie au passage d'appuyer ma démonstration pour un meilleur recrutement.
Nulle mauvaise humeur par contre chez ceux qui se liaient de confiance voire d'amitié avec des Amérindiens. On est admiratif devant les instituteurs qui apprennent le wayãpi, ceux qui partent dès qu'ils le peuvent en expédition de chasse, celle qui dans sa classe fait venir une vieille Indienne pour qu'elle raconte l'histoire de la tribu et du monde.
Cet enfant sait déjà ligaturer et poisser une empenne (de flèche), équarrir une pagaie, dégauchir un banc, entrelacer les brins d'un ou deux points de vannerie (... ) pour les gros ouvrages, tressage de la presse à manioc, creusement et brûlage d'un canot ou encore édification d'une maison, il peut attendre d'être fiancé. L'enfance s'éternise ainsi en une licence de mouvements, une liberté d'entreprendre et une audace calculée qui en font de jeunes êtres d'une farouche indépendance et d'une surprenante liberté. Là réside d'ailleurs le secret de leur éducation dont nulle école occidentale ne pourra égaler les mérites »
J.M. Hurault, F. et P. Grenand « Indiens de Guyane, Wayana et Wayampi de la forêt » préfacé par C. Levi-Strauss, Ed. Autrement, 1998
Quant aux gendarmes, l'ethnocentrisme était, chez l'un, franc et massif : « Il va falloir qu'ils arrêtent leurs conneries » était son commentaire rituel sur les coutumes amérindiennes. Un autre était souvent habillé en Indien d'où, dans son dos, le sourire goguenard de ses piroguiers Wayãpi. Ce n'est qu'après une forte absorption d'alcool qu'il me dit à la fin d'un déjeuner sa lassitude des Indiens, sa haine des « romanos », sa fierté d'avoir eu une médaille pour avoir repêché dans la rivière un « Indien bourré dont je n'ai rien à foutre », sa fierté
d'être passé à la télévision en métropole dans un reportage de cinq minutes où il expliquait que vivre chez les Indiens, « c'est vraiment formidable ». Encore sous les pales de l'hélicoptère, venu pour une évacuation sanitaire un médecin me dit avec élégance : « C'est joli ce coin où tu es. Alors comment vont les Indiens ? Je sais ils b... toujours comme des lapins ». Un préjugé de plus. Je me tais et pense au mépris avec lequel un des anciens regarde les Blancs.
Conflits
Les conflits intra-communautaires dans les petites communautés humaines isolées ont été étudiés (Rivolier J.). Le confinement, associé à la présence d'une seule personnalité paranoïaque, suffit à provoquer la désignation d'un ou plusieurs boucs émissaires. Un cosmonaute a pu dire que dans un véhicule spatial « toutes les conditions sont réunies pour que soit commis un meurtre ». Les métropolitains sont 15 à Camopi. Leurs conflits sont violents et de trois types :
• 1. Entre gendarmes.
• 2. Entre légionnaires et gendarmes.
• 3. Entre instituteurs : le conflit portait sur l'utilisation d'un téléphone satellite prodigué par l'Education nationale. Les instituteurs  de Camopi connaissaient deux conflits permanents :
• 1. la hiérarchie de l'Education nationale (le rectorat de Cayenne)
• 2. les Indiens (parents d'élèves, mairie et Indiens pris en général).
Heureusement à Trois Sauts les choses se passaient bien. Les métropolitains étaient 7 : 6 instituteurs et 1 infirmier. Le seul conflit concernait les bonbons : une institutrice était la seule personne distribuant des bonbons aux enfants, continuant obstinément à le faire malgré les objurgations répétées de l'épouse du directeur de l'école, une Indienne Palikour, qui lui répétait en vain : « Ne donne pas de bonbons, tu leur abîmes les dents et tu leur apprends à mendier ».

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Contacts des Amérindiens avec les Créoles
Ils ne sont que 4 permanents :
- à Camopi : 1 institutrice et 1 employé
municipal.
- à Trois Sauts : 1 directeur d'école et

1 instituteur.
Leur attitude est exemplaire.

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Contacts des Amérindiens avec les Touristes
Point très positif, pour l'instant, le tourisme n'existe pas sur le Haut Oyapock. Il faut louer l'arrêté préfectoral de 1971 qui en limite l'accès aux militaires, instituteurs, personnel de santé ou famille et amis dûment munis
d'une autorisation préfectorale. Cet arrêté est très critiqué, sa suppression est vivement souhaitée sur le littoral par des élus, agences de tourisme, hommes d'affaire du bois, de l'orpaillage ou du diamant. Le tourisme a pris une forme

humiliante chez les Indiens Wayana où, comme dans les réserves indiennes nord-américaines, l'on demande de l'argent pour se faire photographier avant de retourner vivre (ou se détruire par l'alcool) dans sa roulotte déglinguée.

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L'argent, les allocations
« L'Indien ne connaît que le billet de un sucre. Un billet de cent sucres, à la rigueur il le prendra pour deux sucres. C'est la quantité de papier qui compte; aussi faut-il des sacs pour mettre son argent »
Henri Michaux « Ecuador » p.138
La descente en pirogue jusqu'à Saint-Georges de l'Oyapock permet d'aller chercher les enfants  au « Home Indien » (la pension chez les religieuses), de toucher les allocations familiales,
le RMI, de faire des emplettes : perles, cartouches, essence, alcool, chaînes HiFi. La durée de ce voyage en pirogue est de cinq heures pour descendre, pour remonter il faut environ deux heures de plus, selon le courant, bien entendu plus fort en saison des pluies.
« Bon nombre de nos hommes (... ) ne peuvent plus chasser, ne trouvent pas de travail et sont donc dans l'impossibilité de subvenir aux besoins de leur famille ; ils n'ont rien à faire. Une femme par
contre peut toujours fabriquer des ouvrages en perle qu'elle vendra aux touristes, poser pour ces mêmes touristes le long de l'autoroute ou encore être femme de ménage dans un motel ; de plus ce sont elles qui touchent les aides sociales et il arrive que le mari ait à quitter le domicile conjugal pour permettre à sa femme d'y avoir droit »
Mary Brave Bird-Crow Dog, « Femme Sioux » chapitre XV, Ed. Albin Michel, 1993
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Dernier combat : l'attaque de Villa Brasil

Un beau jour de l'été 1998, excédés de se faire voler pirogues et moteurs, les

Indiens de Camopi ont pris leurs vieux fusils de chasse et sont partis attaquer
Villa Brasil. Ce fut un échec.
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